Après le départ de ma maman, nous revoici à Vancouver... nous demandant bien ce que nous allons faire maintenant.
Nous sommes début septembre, ça sent la rentrée et l’arrivée de l’automne. Après ces deux mois de voyage, nous avons tous les deux envie d’avancer, d’avoir de nouvelles perspectives. Et puis, disons le franchement, nos finances commencent à crier famine. Le temps est venu de passer à autre chose... mais à quoi, au juste?
Rester à Vancouver et trouver un petit boulot ? Repartir vers l’est et ramasser des fruits dans l’Okanagan? Rat des villes ou rat des champs?
Nous choisissons de prendre la clef des champs. Sans trop savoir ce qui nous attend, nous partons un beau matin direction l’Okanagan, à 5h de route de Vancouver. Souvenez-vous, dans un article précédent, je vous disais que la région était réputée pour ses vergers et ses vignobles. S’il est trop tard pour ramasser des cerises, la saison des vendanges n’a pas encore commencé. Nous misons donc là dessus.
Sauf que nous n’avons pas la moindre idée de comment cela fonctionne! Par où commencer? Comment trouver un vignoble qui nous embauche? Nous débarquons donc, tout naïvement, à l’office de tourisme, en expliquant notre projet. Regards étonnés et sourire désolés. Pas sûre qu’on leur pose souvent la question. Le monsieur nous conseille vaguement de partir dans le sud de la vallée, direction Oliver et Osoyoos... et nous rattrappe, alors que nous montons dans le camion pour repartir (les canadiens, ces champions du service à la clientèle) : “attendez, attendez, je viens de voir sur internet qu’ils recherchent des gens dans tel vignoble, à Okanagan Falls! Allez-y!”. Nous avons donc une destination. C’est reparti pour l’aventure.
Avant d’aller plus loin, et pour que vous compreniez bien, voici en fait comment ça marche, quand tu veux faire les vendanges dans la vallée de l’Okanagan et que tu n’as pas de contact :
1: Tu fais le tour de touuuus les vignobles où tu laisses tes coordonnées.
2: Tu attends qu’on t’appelle. Sauf que ça ne marche pas comme en France. On ne t’appelle pas pour travailler une semaine ou deux. On t’appelle la veille pour le lendemain. Tu travailles un jour, deux à la rigueur, et tu attends à nouveau. C’est la météo et l’humeur du “winemaker” qui décident. Ca rend donc les choses un peu plus compliquées, il faut jongler entre les vignobles, accepter de ne pas travailler pendant plusieurs jours sans savoir quand tu seras appelé, faire de longues distances pour aller d’un vignoble à l’autre...
Revenons à notre histoire...
Il s’avèrera en fait que le vignoble en question ne recherchait pas du tout de vendangeur. Mais ce n’est pas grave, nous sommes entourés de vignes et nous commençons la tournée des propriétés, munis de petits papiers qui indiquent “Violaine & Adrien, PICKERS” et nos numéros de téléphone.
Pendant les 15 premiers, on a la pêche... Et puis on commence un peu à déprimer, à force de s’entendre dire que rien de commencera avant la fin du mois... Presque trois semaines à tenir, c’est long.
Mais la chance frappe à notre porte et nous sommes contactés par un vignoble familial, à Okanagan Falls. Ils recherchent des gens pour de la mise en bouteille, en attendant les vendanges. C’est une bonne mise en jambe, les gens sont super cools et nous rencontrons d’autres personnes comme nous avec qui nous pouvons échanger et qui nous donnent de bons tuyaux.
Vient alors le jour J : notre première journée de “picking” (comprendre récolte). Et là, c’est pas la même. On remplit péniblement 3 “bins” (ces gros bacs de 500kg posés en bout de rangée et dans lequel tu vides ton seau), j’ai des bleus plein les jambes, les genous en compote, et nous nous couchons finalement à 19h45, épuisés.
Mais on ne se laisse pas abattre et on tient bon ! Levés à 5h30 pour une deuxième journée, fatigante, puis une troisième journée, fatigante mais petit à petit, on s’habitue, et on finit par remplir 5,5 bins en une journée avec encore assez d’énergie pour boire une bière. Victoire! (Petite précision : le picking est payé au rendement au Canada, ce qui veut dire que tu ramasses ces maudits raisins comme si ta vie en dépendait).
Et comme si cela ne nous suffisait pas, nous avons également travaillé une semaine dans une ferme où nous plantions de l’ail ! Les vendanges, c’était devenu trop facile, nous nous sommes dit “tiens, pourquoi ne pas corser un peu les choses et aller enfoncer 1500 gousses d’ail par jour dans la boue, pendant 10h sur les genoux?”. Bon, ça ne s’est pas vraiment passé comme ça (sans blague!). Pendant les vendanges, nous avons rencontré un couple de polonais (Pat et Dom, dzien dobry guys si vous nous lisez!) avec qui nous avons sympathisé. Respectivement confrontés à un problème de batterie sur nos véhicules, nous avons développé un lien fort appelé “la solidarité du galérien”. Et nous avons fini par travailler ensemble, camper ensemble, manger ensemble, rire ensemble... et planter de l’ail ensemble! Ce sont eux qui ont déniché ce plan et nous en ont fait profiter. Je vous ai exposé les points négatifs de ce dur labeur. Mais il y avait des points positifs non négligeables, qui en font une belle expérience : la ferme était tenue par un couple de jeunes parents qui venait d’acheter et qui était adorable. Les parents/beaux-parents étaient venus aider aussi, et tout le monde plantait de l’ail dans la joie et la bonne humeur. On dormait à l’abris sous la grange et nous pouvions nous doucher chez eux tous les jours (oui, ce sont des points positifs). Nous avons même été invités à manger chez eux un soir. La famille canadienne comme dans les films, chaleureuse et accueillante.
Quand tout cela a été terminé, que les caisses ont été renflouées, nos copains grenoblois Gaspard et Lucile sont arrivés... et nous avons tourné la page “automne dans l’Okanagan” pour se concentrer sur l’hiver à venir.
En tout et pour tout, nous avons pické pendant environ sept jours, et planté de l’ail pendant 5 jours. Rien d'insurmontable. Je me demande comment font ces gens qui pickent pendant un mois non stop. Mais je suis quand même fière de nous.
Déjà, nous savons maintenant différencier un Gewurztraminer d'un Pinot noir. Un Chesnok d'un German Red (vous pouvez pas comprendre, c'est de l'ail).
Plus sérieusement, en voyage, on parle souvent de “sortir de sa zone de confort”. Jusque là, ce concept me paraissait assez abstrait, le genre de truc qui sonne bien dans un blog tendance. Après ce bref retour à la terre, il prend tout son sens. Ma zone de confort, jusqu’à présent, c’est un travail de bureau dans une ville, 5 jours sur 7. Je connais les codes de la vie citadine, j’ai mes habitudes, mes repères, mon rythme de vie. Là, nous nous retrouvons dans une région que l’on ne connait pas, anglophone ne l’oublions pas, à faire un travail physique que l’on n’a jamais fait auparavant.
Eh bien personnellement, cette expérience m’a donné pas mal de courage et de confiance pour la suite. Si on a été capables de le faire, c’est qu’on est prêt à relever de nouveaux défis.